À propos de ce rapport
Réduire les émissions de méthane dues aux activités pétrolières et gazières est un des leviers les plus efficaces et les plus économiques dont les pouvoirs publics disposent pour atteindre leurs objectifs de réductions de gaz à effet de serre. Afin d’élaborer des cadres réglementaires parfaitement adaptés à leur situation locale, les pays qui souhaitent mettre en place des politiques et des réglementations ciblées sur le méthane ont tout intérêt à exploiter l’expérience acquise par d'autres juridictions ayant déjà adopté des dispositifs dans ce domaine.
L’objectif premier de toute nouvelle intervention publique devrait être d'améliorer les mécanismes de mesure des émissions et de remontée des données, afin que les dispositifs réglementaires puissent avoir plus de force. Pour autant, le manque actuel d’information sur les émissions de méthane ne doit pas empêcher de prendre en urgence des mesures pour réduire les émissions dans ce secteur. Les pays peuvent commencer à agir dès maintenant en s’appuyant sur des outils existants, par exemple en conjuguant des actions réglementaires ciblées vers les sources problématiques déjà connues et des programmes de surveillance visant à détecter les principales sources d’émissions (« super‑émetteurs ») et à y remédier. Sur le plan du déroulement des opérations, la création d’une nouvelle politique ou réglementation doit faire intervenir trois phases distinctes, exposées en détail dans ce guide : la compréhension du contexte et des conditions locales, la conception et l’élaboration de la réglementation, et enfin, sa mise en œuvre.
Table des matières du contenu en ligne
Introduction
Pourquoi réglementer les émissions de méthane ?
Réduire les émissions de méthane dues aux activités pétrolières et gazières fait partie des leviers les plus efficaces et les plus économiques dont les pouvoirs publics disposent pour atteindre les objectifs climatiques mondiaux. De plus en plus de juridictions (États fédérés, régions administratives, etc.) prennent conscience que la réglementation doit jouer un rôle important dans ce domaine, en complément des initiatives volontaires prises par l’industrie.
Il faut agir pour diminuer les rejets de méthane
Le méthane est un gaz à effet de serre puissant qui a des conséquences importantes sur le changement climatique. Bien que sa durée de vie dans l’atmosphère soit beaucoup plus courte que celle du CO2 – environ 12 ans, contre des siècles pour le CO2 –, le méthane absorbe beaucoup plus d’énergie pendant qu’il se trouve dans l’atmosphère. De ce fait, bien que l’on parle moins du méthane que du CO2, il est essentiel de réduire les émissions de méthane du secteur énergétique pour éviter les pires effets du changement climatique.
Selon les estimations de l’AIE, le secteur des hydrocarbures a émis 70 Mt de méthane (environ 2.1 Gt éq. CO2) en 2020, soit un peu plus de 5 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales liées à l’énergie. Les données satellite semblent montrer que la fréquence des fuites importantes a chuté en 2020, bien que ce phénomène s’explique sans doute en partie par les fortes baisses de production dues à la pandémie de COVID‑19. Dans le scénario « Développement durable » (SDS) de l’AIE, les émissions de ce secteur doivent descendre autour de 20 Mt par an d’ici à 2030 – une chute de plus de 70 % par rapport aux niveaux de 2020.
Oil and gas sector methane emissions, historical and in the Sustainable Development Scenario, 2000-2030
OuvrirCette réduction de 70 % coïncide avec la quantité d'émissions qu’il serait déjà techniquement possible d’éviter, d'après le Methane Tracker de l’AIE. De plus, une part importante de ces émissions peut être éliminée pour un coût net nul, car la valeur du méthane capté est suffisante pour couvrir le prix des mesures de réduction. Cela veut dire qu’il devrait déjà y avoir une motivation économique à ne pas rejeter ce gaz dans l’atmosphère. Le pourcentage exact des émissions susceptibles d’être évitées pour un coût net nul variera sans aucun doute d’une année sur l’autre et entre les régions, le prix du gaz constituant une variable clé. Les prix du gaz naturel en 2020 ont été très inférieurs à ceux des années précédentes partout dans le monde, par conséquent la part des réductions d’émissions qui est rentabilisée est moins élevée que les années passées. Mais elle recommencera à augmenter avec la hausse des prix du gaz naturel.
Différentes actions volontaires ont été adoptées par l’industrie pour réduire les émissions de méthane, et un certain nombre d’entreprises ont annoncé s’être fixé des objectifs de réduction en 2020. Néanmoins, il est indispensable de passer à la vitesse supérieure si l'on veut arriver aux niveaux de réductions nécessaires pour atteindre les objectifs climatiques internationaux. Même si les initiatives sectorielles peuvent et doivent être poursuivies, les politiques publiques et la réglementation sont primordiales pour éliminer ou réduire les obstacles qui empêchent les entreprises de se lancer ou d'aller plus loin.
Obstacles aux initiatives volontaires
Les courbes des coûts de réduction des émissions de méthane par pays publiées par l’AIE montrent qu’un grand nombre de mesures de réduction serait rentabilisé, à condition de pouvoir acheminer et vendre le gaz capté au prix courant du marché. Cette simple analyse des coûts pourrait laisser penser que les entreprises devraient mettre en place certaines de ces mesures spontanément, mais en pratique cela n’est pas toujours le cas. Toute démarche de réglementation des émissions de méthane doit impérativement partir d’une analyse des obstacles qui empêchent les entreprises, dans différents pays et situations de marché, de prendre des mesures qui s’avèrent pourtant économiquement avantageuses.
Trois grands types d’obstacles expliquent que les entreprises n’exploitent pas pleinement ces possibilités : l’information, les infrastructures, et les incitations à investir.
Information
Beaucoup d’entreprises sont très mal informées sur le méthane, à la fois de son impact sur l’environnement mais aussi sur le niveau et les sources d'émission associés à leurs activités. On constate également un manque de connaissances sur les technologies disponibles permettant la réduction des émissions, leur coût, et les gains potentiels du captage et de l’utilisation ou de la commercialisation du gaz qui serait sinon libéré dans l’atmosphère. Même quand les dirigeants savent que les rejets de méthane sont nocifs, cela ne se traduit pas toujours par des changements dans la culture de l’entreprise et dans ses pratiques opérationnelles, de sorte que le personnel de terrain, qui aurait les moyens d’agir, ne le fait pas. Ce manque de connaissances est souvent dû à de la négligence, mais il arrive aussi que les politiques publiques en place dissuadent les entreprises de chercher à comprendre d’où viennent leurs émissions. Par exemple, dans un territoire où les pollueurs doivent verser une redevance ou une taxe assise sur le volume d’émissions, les entreprises peuvent craindre d’augmenter leurs coûts de mise en conformité si elles découvrent de nouvelles sources de méthane.
Infrastructures
La plupart du temps, le gaz capté peut facilement être mis sur le marché. Mais il se peut aussi que les infrastructures nécessaires à la valorisation ou l’acheminement de ce gaz n’existe pas, en particulier lorsqu’il est un coproduit du pétrole (ou « gaz associé »). La construction de nouvelles infrastructures peut alors être requise pour acheminer le gaz à un point de consommation, par exemple des installations de compression, des conduites de collecte ou de transport, ou encore des installations de liquéfaction. L’absence de mesures imposant ou encourageant la valorisation du gaz naturel peut freiner les efforts de réduction.
Incitations à investir
Bien que le contexte joue un rôle dans les décisions prises par les entreprises, les moyens financiers de ces dernières ne sont pas illimités. Les possibilités d’investissement dans la réduction des émissions de méthane sont donc en concurrence avec d'autres opportunités potentielles. Même lorsque les mesures antipollution sont économiquement avantageuses, les entreprises peuvent choisir d’allouer leurs fonds disponibles vers des projets susceptibles d’être plus rentables que la réduction des émissions de méthane. L’intérêt économique de ces mesures peut aussi être sous-estimé tant que les coûts environnementaux ne sont pas intégrés dans le calcul des investissements via un prix sur le carbone. Et lorsque le propriétaire du gaz ne possède pas les infrastructures de transport, un problème de divergences de motivations peut alors se poser: quand l’entreprise qui détient les pipelines paye pour réparer les fuites, c’est le propriétaire du gaz qui y gagne en quantités acheminées. Enfin, les entreprises publiques ne profitent pas toujours directement des mesures d'économie car elles reversent leurs gains au trésor public, et reçoivent ensuite des allocations prédéfinies pour financer leurs activités.
Que peuvent faire les pouvoirs publics pour accélérer la réduction des émissions de méthane ?
Les pouvoirs publics peuvent remédier à bon nombre de ces obstacles au travers d’instruments d'action et de réglementations appropriées. Si l’information pose problème, les mesures peuvent prendre la forme de stratégies éducatives diverses : formations, programmes de certification professionnelle, dispositions relatives à la surveillance, à la notification et à la vérification des émissions, renvoi aux normes internationales volontaires de communication de données applicables aux entreprises, ou encore initiatives destinées à encourager le partage des savoirs et les bonnes pratiques. S'agissant des infrastructures, les autorités publiques peuvent instaurer des obligations au stade de la planification des projets, investir directement dans la construction de nouvelles infrastructures, ou adopter des dispositions autorisant à répartir les coûts d’aménagement entre plusieurs entreprises et utilisateurs finals. Les pouvoirs publics peuvent aussi avoir la possibilité de faire payer les coûts environnementaux externes ou de mettre en place des incitations financières pour encourager l’utilisation du gaz capté sur les sites, les investissements dans des technologies antipollution, ou la réparation des installations de transport par conduites, afin de supprimer les obstacles aux investissements.
Le but de ces interventions est double. Premièrement, elles peuvent avoir un effet déclencheur sur des mesures antipollution qui sont déjà économiquement avantageuses aujourd’hui. Deuxièmement, elles peuvent faciliter et encourager des mesures visant à remédier aux diverses émissions de méthane qu’il est techniquement possible de réduire, c’est-à-dire les 70 % de réductions obtenues dans le scénario « Développement durable » d’ici 2030. Pour atteindre ce niveau, il ne suffira pas d’éliminer les obstacles qui empêchent les entreprises d’agir d’elles-mêmes. Des initiatives réglementaires plus larges ont aussi un rôle important à jouer. Les entreprises en sont de plus en plus conscientes et manifestent leur intérêt pour « des politiques et des réglementations bien pensées en matière de méthane, qui encouragent à prendre rapidement des mesures, stimulent l'amélioration des performances, facilitent leur bonne application et appuient la flexibilité et l’innovation »1.
Des réglementations adaptées aux objectifs de chaque pays ou territoire seront indispensables pour que les entreprises prennent les mesures antipollution appropriées en plus de leurs initiatives volontaires. Il existe de nombreux types de réglementations, mais elles ont toutes en commun de pouvoir fondamentalement modifier l’analyse coûts-avantages pour les entreprises et les inciter à internaliser les coûts sociétaux de cette pollution.
Feuille de route et boîte à outils d’aide à la réglementation
Le présent rapport est conçu comme un guide de préparation complet destiné aux responsables publics qui veulent élaborer de nouvelles réglementations afin de réduire les émissions de méthane dues aux hydrocarbures sur leur territoire. Il comprend deux parties complémentaires : une Feuille de route d’aide à la réglementation et une boîte à outils d’aide à la réglementation.
La Feuille de route s’intéresse au processus de création d’une nouvelle réglementation. Elle présente dix grandes étapes à suivre et guide les autorités réglementaires pas à pas pour les aider à rassembler les informations dont elles ont besoin pour concevoir, formuler et mettre en œuvre un dispositif réglementaire efficace.
La boîte à outils s’intéresse au contenu des réglementations sur le méthane. Elle décrit les différentes approches réglementaires actuellement employées pour le méthane, en fournissant des liens vers des exemples précis dans la base de données de l’AIE sur les politiques publiques (en anglais). L’objectif de la boîte à outils est de mettre à la disposition des autorités de réglementation une répertoire d’instruments réglementaires dans laquelle elles pourront puiser pour élaborer de nouvelles politiques publiques.
Comment concevoir et mettre en œuvre de nouvelles réglementations ?
L’AIE a répertorié dix étapes devant aider les pouvoirs publics à choisir une approche réglementaire et à mettre en œuvre un ensemble de dispositions efficaces en matière de méthane et adaptées à la situation locale. Bien qu’elles soient présentées ici dans un certain ordre, ces étapes peuvent aussi être suivies dans un ordre différent ou simultanément, ou même être répétées lorsque de nouvelles données sur les émissions ou de nouvelles technologiques deviennent disponibles.
Une feuille de route en dix étapes pour les responsables publics
Étape 1 : Comprendre le contexte juridique et politique
Étape 2 : Caractériser la nature de votre industrie
Étape 3 : Définir un profil d’émissions
Étape 4 : Renforcer les capacités réglementaires
Étape 5 : Mobiliser les parties prenantes
Étape 6 : Définir les objectifs
Étape 7 : Choisir le bon processus d’élaboration des mesures
Étape 8 : Rédiger les mesures
Étape 9 : Permettre et faire respecter la conformité
Étape 10 : Révisez régulièrement vos mesures afin de les préciser
Ces différentes étapes composent le processus de création d’une nouvelle réglementation, qui comprend trois phases distinctes. La première a lieu avant la formalisation concrète d’un projet de réglementation. Elle consiste en un exercice de collecte d’informations qui doit permettre aux décideurs de comprendre comment faire correspondre le mieux possible les politiques publiques et les réglementations au contexte institutionnel, au cadre réglementaire existant, à la situation du marché et au profil d'émissions du pays ou territoire concerné. Cette phase de collecte d’informations regroupe les trois premières étapes de la Feuille de route.
Une fois ces informations rassemblées, les responsables publics peuvent passer à la phase suivante de conception et d’élaboration du projet de réglementation, en veillant à renforcer les capacités institutionnelles et à associer les parties prenantes internes et externes. Cette phase d’élaboration de la réglementation correspond aux étapes 4 à 8 de la Feuille de route. À ce stade, les autorités de réglementation doivent aussi étudier les exemples des différentes approches réglementaires réunies dans la boîte à outils.
Une fois la réglementation publiée, il reste encore beaucoup à faire pour qu’elle soit appliquée et porte ses fruits. Durant la phase de mise en œuvre, les responsables publics devront s’assurer du respect des obligations édictées et établir un programme d’actualisation de la réglementation. Il s’agit des étapes 9 et 10. À noter que, même si la mise en œuvre ne commence pas tant qu’une réglementation n’est pas finalisée, il convient d’y réfléchir pendant la phase de rédaction des textes afin d'y intégrer dès le départ la question de l’assurance de conformité et l’adaptation de la réglementation.
La création d'une nouvelle réglementation en dix étapes
OuvrirDe quels instruments d’action et outils normatifs les autorités de réglementation disposent-elles ?
De plus en plus de pays ou territoires ont déjà reconnu que la réglementation contribuait de façon importante à accélérer l’adoption de ces mesures par l’industrie pétrogazière. Certaines autorités gouvernementales ont pris des initiatives, et d'autres se sont engagées à le faire dans les années à venir. À partir de notre examen des premières dispositions mises en place, nous avons défini une typologie des approches réglementaires afin de démystifier l’ensemble complexe des réglementations qui existent dans de nombreux pays. On trouvera ci-dessous une introduction à cette typologie, et la partie « boîte à outils » de ce rapport fournit des exemples précis de chaque approche.
Typologie des approches réglementaires
Les approches réglementaires ayant été appliquées au méthane peuvent être classées en quatre grandes catégories :
- instruments prescriptifs,
- instruments fondés sur la performance ou le résultat,
- instruments économiques, et
- instruments fondés sur l’information.
Le tableau ci-dessous illustre chacune de ces approches en décrivant son application au remplacement des commandes pneumatiques « à échappement élevé ». Ces commandes, employées à divers usages dans la filière pétrogazière, peuvent représenter une part importante des rejets de méthane du secteur. Ainsi, d'après l'inventaire des émissions de gaz à effet de serre des États-Unis, les émissions dues à ces équipements représentaient environ 25 % des émissions de méthane imputables aux installations pétrolières et gazières du pays2.
Approches réglementaires appliquées aux commandes pneumatiques
Approche réglementaire |
Définition |
Exemple |
---|---|---|
Instruments prescriptifs |
Les instruments prescriptifs imposent aux entités réglementées une certaine opération ou procédure, ou au contraire l’interdisent. |
L’entreprise a l’obligation de remplacer ses commandes pneumatiques par des commandes moins émettrices avant une certaine date. |
Instruments fondés sur la performance ou le résultat |
Les instruments fondés sur la performance définissent une norme de performance obligatoire pour les entités réglementées mais n’imposent pas la manière dont l’objectif doit être atteint. |
L’entreprise a l’obligation d’obtenir certaines réductions du méthane sur ses sites, par rapport à une valeur de référence. L’entreprise décide alors de remplacer les commandes les plus émettrices car cette solution est économiquement la plus avantageuse pour atteindre l’objectif global. |
Instruments économiques |
Les instruments économiques incitent à prendre certaines mesures en appliquant des sanctions ou en introduisant des incitations financières qui vont encourager certains comportements. Il peut s'agir de prélèvements fiscaux, de subventions ou d’instruments fondés sur les lois du marché, comme les permis ou crédits d’émission négociables. |
L’entreprise doit payer une taxe de pollution sur les émissions. Autre possibilité : elle peut déduire de ses charges fiscales les coûts de remplacement de ses équipements très émetteurs. Dans les deux cas, l’entreprise peut choisir de remplacer les commandes pour des raisons financières. |
La plupart des pays ou territoires possédant des réglementations spécifiques sur le méthane dans le secteur pétrogazier ont largement recours à des instruments prescriptifs pour obtenir des réductions d’émissions. Avec cette approche « autoritaire », on oblige les entreprises à installer ou remplacer certains matériels. Par exemple, si un pays établit qu’une grande partie de ses émissions ordinaires provient des commandes pneumatiques de vanne à échappement élevé utilisées dans toute la filière pétrogazière, un règlement pourrait imposer aux opérateurs de remplacer les commandes existantes par des modèles à échappement faible ou nul, et interdire l’installation de matériels à échappement élevé dans les nouvelles installations.
Prescriptive methane policies in selected producing countries
National policies Provincial/state-level policies only
Au contraire, les instruments fondés sur la performance ou le résultat imposent aux entreprises d’atteindre un objectif d’émissions précis pour une installation ou un matériel particulier, mais elles ne définissent pas comment l’opérateur doit atteindre cet objectif. Par exemple, le règlement mexicain de 2018 impose aux exploitants d’installations existantes de définir et atteindre des objectifs de réduction des émissions sur six ans pour chaque installation. Les entreprises ayant l’obligation de réduire leurs émissions chercheront les solutions de réparation et de remplacement les plus avantageuses économiquement pour chaque installation. Si certaines commandes à échappement élevé contribuent fortement au profil d’émissions global de l’installation et peuvent être facilement remplacées, les entreprises les remplaceront.
Performance-based methane policies in selected producing countries
National policies Provincial/state-level policies only
Certains pays ou territoires peuvent choisir d’utiliser des instruments économiques qui instaurent des sanctions ou des incitations pour encourager l’adoption de certaines mesures par les entreprises. La forme la plus simple d’instrument économique est une taxe sur les émissions de méthane. Dans l’exemple donné ici, il s’agirait fondamentalement d’encourager une entreprise à remplacer ses commandes de vanne ou de payer pour le méthane qu’elles émettent. Un opérateur pourrait de ce fait préférer remplacer les commandes plus émettrices au lieu de payer une taxe sur le méthane. La taxe carbone norvégienne, qui couvre les émissions de méthane des installations pétrolières et gazières en mer, illustre cette approche.
Au lieu de sanctionner les émissions de méthane, les pouvoir publics peuvent mettre en place des dispositifs ou des incitations économiques pour encourager la réduction de ces émissions. Un dispositif incitatif peut prévoir par exemple que, lorsqu’un opérateur remplace une commande de vanne, il peut déduire les coûts du remplacement des redevances fiscales versées à l’État. Le Nigéria, par exemple, autorise les entreprises à déduire de leurs bénéfices leurs dépenses d’achat de matériels destinés à capter le gaz associé, et à déduire les redevances dues sur le gaz associé qui est vendu et acheminé en aval.
Economic methane policies in selected producing countries
National policies Provincial/state-level policies only
L'un des principaux freins à une réglementation efficace du méthane émis par le secteur énergétique est le degré élevé d’incertitude, comme par exemple sur les volumes émis, les sources d'émission et leur variabilité. C’est pourquoi les instruments fondés sur l’information peuvent être particulièrement intéressants. Un règlement pourrait prévoir, par exemple, que les entreprises répertorient toutes leurs commandes de vanne fortement émettrices et transmettent chaque mois un rapport sur leurs émissions. Certains opérateurs pourraient ainsi prendre conscience de l’ampleur de leurs émissions, et adopter ensuite des mesures spontanément. Si ces rapports d'émissions doivent en plus être rendus publics, cela peut aussi créer une pression sur les entreprises, de la part de parties prenantes extérieures, pour que les premières réduisent leurs émissions.
Information-based methane policies in selected producing countries
National policies Provincial/state-level policies only
De nombreux exemples de ces approches réglementaires sont déjà en place. Le tableau 2 donne un aperçu des outils auxquels les 12 principaux producteurs de gaz naturel ont actuellement recours. Le présent guide puise largement dans ces exemples, tirés de la base de données de l’AIE sur les politiques publiques, pour présenter aux autorités de réglementation des exemples concrets d’instruments d'action existants et des ressources associées. Ces exemples devraient servir de référence de base aux lecteurs du présent guide, comme source d'inspiration et illustration des bonnes pratiques.
Des éclairages précieux pour les responsables publics
Les autorités qui ont déjà mis en place des réglementations sur le méthane ont beaucoup appris. Le présent guide a pour but de partager les bonnes pratiques et les enseignements tirés afin de maximiser l’efficacité des nouvelles réglementations.
Les politiques publiques et les réglementations peuvent aider les pays à atteindre leurs objectifs d’émissions
Les responsables publics ne doivent pas partir du principe que les entreprises du secteur ont les motivations nécessaires pour adopter d’elles-mêmes des mesures capables de résoudre le problème du méthane. Comme indiqué plus haut, un nombre croissant de pays et territoires ont reconnu l’importance d'avoir des politiques et des réglementations bien pensées en plus des initiatives volontaires des entreprises. Même si celles-ci peuvent adopter spontanément certaines mesures, toutes les réductions d’émissions requises n’offriront pas un rapport coût-efficacité favorable, et les politiques et réglementations peuvent alors contribuer à modifier fondamentalement les incitations des entreprises à cet égard.
Il n’existe pas de solution universelle
Les politiques publiques et les réglementations seront bien plus efficaces si elles sont adaptées à la situation locale, notamment au contexte politique et réglementaire, à la nature du secteur d'activité, à la dimension et à la localisation des sources d’émissions, et aux objectifs stratégiques du pays ou du territoire. Les différentes approches réglementaires présentent chacune certains avantages et inconvénients, qui dépendent de circonstances variables d’un territoire à l’autre, et les responsables publics doivent au départ prendre le temps de comprendre comment ces circonstances jouent un rôle dans le contexte local. Les étapes exposées dans la feuille de route sont conçues pour aider les autorités réglementaires à comprendre ces circonstances et à choisir les approches qui conviennent le mieux à leur situation.
De meilleures données peuvent améliorer l’efficacité des dispositifs réglementaires
Les instruments fondés sur la performance et les instruments économiques peuvent produire des effets économiquement plus efficients en permettant à un opérateur de trouver les solutions de réduction offrant le meilleur rapport coût-efficacité. Mais ces approches demandent souvent un système performant de mesure et de notification pour fonctionner correctement. Par exemple, une taxe sur le méthane ne peut pas être convenablement mise en application si personne ne connaît la quantité de méthane émise. La conception et la mise en place d’un système de mesures et de notification performant peut prendre plusieurs années. Pour les pays ou territoires qui commencent seulement à s’engager dans une démarche de réglementation du méthane, des dispositions prescriptives peuvent être la meilleure solution en attendant qu’un système de mesure et de notification satisfaisant soit mis en place.
Les pays n’ont toutefois pas besoin d’attendre d’avoir de meilleures données pour agir
Heureusement, les instruments prescriptifs peuvent déjà permettre de réduire les émissions. Ils peuvent en outre constituer une première étape utile dans l’adoption de réglementations plus souples et économiquement efficientes, car ils sont relativement simples à administrer et ne demandent pas d’avoir une connaissance précise des niveaux d’émissions, ni un système performant de mesure et d’estimation. Par conséquent, les pays ou territoires qui réglementent le méthane pour la première fois pourraient commencer par combiner des instruments prescriptifs pour les sources problématiques connues, et un programme de surveillance qui détecte les « super-émetteurs » grâce à des données satellitaires ou des résultats d’inspections et qui obligerait les entreprises à gérer ces sources d’émissions lorsqu’elles apparaissent. Avec le temps, il pourra être possible d’intégrer des éléments d'autres approches réglementaires dans un dispositif principalement prescriptif, par exemple des objectifs généraux à l’échelle du site ou de l’entreprise venant compléter d’autres obligations.
On notera que cette approche est déjà bien rodée. Des outils permettant aux pouvoirs publics de réduire les émissions de méthane existent déjà, sous une forme ou une autre. Les autorités de réglementation qui suivent ce guide et puisent dans les différentes ressources disponibles auront les informations dont elles ont besoin pour choisir entre les différentes approches possibles et les mettre concrètement en œuvre.
Comment utiliser ce guide
Ce guide est divisé en deux grandes parties : la Feuille de route et la boîte à outils. La feuille de route traite en détail les dix étapes indiquées plus haut et recense les aspects et points de décision importants pour chacune d’elles. Les étapes sont présentées dans un certain ordre mais elles s’avéreront généralement modulaires, avec des boucles de rétroaction et des itérations entre les différentes phases du processus. N’hésitez pas à privilégier les étapes qui vous intéressent le plus et à sauter celles que vous maîtrisez déjà.
La boîte à outils réglementaire présente ensuite différents éléments du processus d’élaboration des politiques publiques afin d’accompagner les autorités réglementaires tout au long des phases de conception et de mise en œuvre. Elle examine les stratégies générales de réglementation, en apportant des détails supplémentaires sur les quatre approches décrites plus haut et en illustrant leur utilisation par des exemples de réglementations en vigueur sur le méthane. Comme avec les étapes de la Feuille de route, chaque thème est conçu pour être modulaire et indépendant. N’hésitez pas à vous reporter aux éléments pertinents de la boîte à outils lorsque vous parcourrez les étapes de la Feuille de route.
References
Principe numéro 4 du Methane Guiding Principles, un partenariat qui rassemble des acteurs de l’industrie et d’autres organisations en vue d’accélérer la réduction des émissions de méthane.
Voir l’inventaire des émissions et puits de gaz à effet de serre, 1990-2018 de l’agence des États-Unis pour la protection de l’environnement (EPA) (2020), Inventaire des émissions et puits de gaz à effet de serre, 1990-2018, tableaux 3‑45 et 3‑65 (en anglais).
Principe numéro 4 du Methane Guiding Principles, un partenariat qui rassemble des acteurs de l’industrie et d’autres organisations en vue d’accélérer la réduction des émissions de méthane.
Voir l’inventaire des émissions et puits de gaz à effet de serre, 1990-2018 de l’agence des États-Unis pour la protection de l’environnement (EPA) (2020), Inventaire des émissions et puits de gaz à effet de serre, 1990-2018, tableaux 3‑45 et 3‑65 (en anglais).