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La fragmentation et les tensions géopolitiques constituent des menaces majeures pour la sécurité énergétique et risquent de compromettre une action coordonnée visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre

L’escalade des conflits au Moyen-Orient et la guerre actuellement menée par la Russie en Ukraine soulignent les risques persistants pour la sécurité énergétique auxquels le monde fait face. Si certains des effets immédiats de la crise énergétique mondiale avaient commencé à s’estomper en 2023, le risque de nouvelles perturbations s’avère désormais très élevé. L’expérience de ces dernières années met en évidence la rapidité avec laquelle des dépendances peuvent se transformer en vulnérabilités, un enseignement qui s’applique également aux chaînes d’approvisionnement des énergies propres, dont les marchés présentent des niveaux de concentration élevés. Les marchés des combustibles traditionnels et des technologies propres sont de plus en plus fragmentés : depuis 2020, près de 200 mesures commerciales, majoritairement restrictives, ont été adoptées dans le monde concernant les technologies propres, contre seulement 40 au cours des cinq années précédentes.

La fragilité actuelle des marchés de l’énergie met en lumière l’importance durable de la sécurité énergétique, mission fondamentale et centrale de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Elle démontre également comment des systèmes énergétiques plus efficaces et plus propres peuvent réduire les risques liés à cette sécurité. Les effets de plus en plus visibles du changement climatique, l’élan derrière les transitions énergétiques ainsi que les spécificités des technologies propres sont autant de facteurs qui font évoluer la définition de systèmes énergétiques sûrs. Une approche globale de la sécurité énergétique doit donc s’étendre au-delà des combustibles traditionnels pour inclure la transition sécurisée vers un secteur électrique décarboné ainsi que la résilience des chaînes d’approvisionnement des énergies propres. La sécurité énergétique et l’action climatique sont étroitement liées : les phénomènes météorologiques extrêmes, exacerbés par des décennies de fortes émissions, menacent déjà profondément la stabilité de l’approvisionnement énergétique.

OPEC+ crude oil spare capacity in the Stated Policies Scenario, 2023 and 2030

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LNG liquefaction capacity and utilisation in the Stated Policies Scenario, 2023 and 2030

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Les transitions énergétiques se sont nettement accélérées ces dernières années, encouragées par des politiques publiques et des stratégies industrielles. Toutefois, l’évolution future de ces politiques et stratégies reste plus incertaine que d’ordinaire à court terme. En 2024, des pays représentant la moitié de la demande énergétique mondiale tiennent des élections, et les questions d’énergie et de climat occupent une place importante pour des électeurs confrontés à la flambée des prix des combustibles et de l’électricité, ainsi qu’à des phénomènes climatiques extrêmes comme les inondations et les vagues de chaleur. Cependant, malgré leur influence, les politiques énergétiques et les objectifs climatiques ne sont pas les seuls moteurs de l’essor continu des énergies propres. La forte baisse des coûts ainsi que l’intense concurrence sont des facteurs majeurs d’innovation, de croissance économique et d’emploi. Plus que jamais, les perspectives énergétiques sont complexes, multidimensionnelles et résistent à toute conception unique de ce que l’avenir pourrait réserver.

Des analyses rigoureuses, indépendantes et fondées sur des données chiffrées sont essentielles pour naviguer les incertitudes énergétiques actuelles

Reflétant les incertitudes actuelles, nos trois principaux scénarios sont accompagnés d’analyses de sensibilité portant sur plusieurs thématiques : les énergies renouvelables, la mobilité électrique, le gaz naturel liquéfié (GNL), ainsi que l’impact potentiel des vagues de chaleur, des politiques d’efficacité énergétique et du développement de l’intelligence artificielle (IA) sur la demande d’électricité. Les scénarios et les analyses de sensibilité illustrent différentes trajectoires possibles pour le secteur de l’énergie, les leviers que les décideurs ont à leur disposition pour les réaliser, ainsi que leurs répercussions sur les marchés, la sécurité énergétique, les émissions et la vie quotidienne des citoyens. Le scénario « Politiques annoncées » (Stated Policies Scenario, STEPS) reflète la trajectoire actuellement suivie par le secteur de l’énergie, en s’appuyant sur les données les plus récentes du marché, les coûts des technologies et une analyse approfondie des politiques en vigueur dans les pays à travers le monde. Le scénario STEPS sert également de base aux analyses de sensibilité. Le scénario « Nouveaux engagements annoncés » (Announced Pledges Scenario, APS) examine ce qui se passerait si tous les objectifs énergétiques et climatiques nationaux fixés par les gouvernements, y compris les objectifs de zéro émission nette, étaient atteints dans les temps et dans leur intégralité. Le scénario « Zéro émission nette à l’horizon 2050 » (Net Zero Emissions by 2050, NZE) trace une trajectoire de plus en plus étroite permettant d’atteindre la neutralité carbone d’ici le milieu du siècle et de limiter le réchauffement planétaire à 1.5 °C.

Global oil demand, 2015-2035

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Change in global oil demand in selected regions, 2015-2023

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Change in global oil demand in selected regions, 2023-2035

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Les risques géopolitiques demeurent nombreux mais l’équilibre des marchés s’améliore, ouvrant la voie à une concurrence accrue entre les diverses sources d’énergie et technologies

La prochaine phase de la transition vers un système énergétique plus sûr et plus durable devra s’inscrire dans un nouveau contexte du marché de l’énergie, marqué par des risques géopolitiques persistants mais aussi par une offre relativement abondante de divers combustibles et technologies. Notre analyse approfondie des équilibres de marchés et des chaines d’approvisionnement met en lumière un excès d’offre de pétrole et de GNL attendu dans la seconde moitié de la décennie, ainsi qu’une surabondance significative des capacités de production de certaines technologies clés pour la transition énergétique, notamment le solaire photovoltaïque et les batteries. Ces surcapacités offrent une certaine protection en cas de nouvelles perturbations du marché, mais sont également synonymes d’une pression à la baisse sur les prix et d’une période de concurrence accrue entre les fournisseurs. La rapide expansion des énergies propres au cours des dernières années s’est déroulée dans un contexte de forte volatilité des prix des énergies fossiles. Bien que les coûts des technologies propres soient en baisse, maintenir et accélérer leur déploiement dans un monde où le prix des combustibles fossiles baisse représente un défi de nature différente. L’évolution des choix des consommateurs et des politiques publiques jouera un rôle déterminant pour l’avenir du secteur de l’énergie et l’efficacité de la lutte contre le changement climatique.

Nickel and graphite supply requirements and expected supply from announced projects in 2035

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Cobalt and lithium supply requirements and expected supply from announced projects in 2035

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Copper supply requirements and expected supply from announced projects in 2035

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À quelle vitesse les transitions énergétiques se dérouleront-elles ?

Les énergies propres intègrent le système énergétique mondial à une vitesse sans précédent, avec plus de 560 gigawatts (GW) de nouvelles capacités d’énergies renouvelables ajoutées en 2023. Leur déploiement reste cependant fortement inégal selon les technologies et les régions. Les investissements dans les projets d’énergie propre atteignent près de 2 000 milliards de dollars (USD) par an, soit presque le double de ceux consacrés aux nouveaux approvisionnements en pétrole, gaz et charbon réunis. De plus, les coûts de la plupart des technologies propres sont à nouveau en baisse, après avoir augmenté à la suite de la pandémie de Covid-19. Ces facteurs contribuent à l’augmentation de la puissance renouvelable installée dans le scénario STEPS, passant de 4 250 GW aujourd’hui à presque 10 000 GW en 2030. Bien que cela ne réponde pas à l’objectif de triplement fixé lors de la COP28, cette progression est amplement suffisante pour satisfaire la croissance de la demande mondiale en électricité et réduire la production des centrales à charbon. Les sources à faibles émissions devraient générer plus de la moitié de l’électricité mondiale avant 2030, incluant le nucléaire, qui connait un regain d’intérêt dans de nombreux pays.

La Chine se démarque nettement, ayant contribué à 60 % de l’augmentation des capacités en énergie renouvelable dans le monde en 2023. À elle seule, sa production solaire photovoltaïque est sur le point de dépasser, d’ici le début de la prochaine décennie, la demande électrique totale actuelle des États-Unis. Des questions demeurent en suspens, en Chine comme ailleurs, quant à la rapidité et à l’efficacité avec lesquelles la nouvelle capacité renouvelable installée pourra être intégrée aux réseaux électriques. Il reste également à savoir si l’expansion des réseaux et la délivrance des permis pour les projets renouvelables pourront suivre le rythme de cette croissance. Les incertitudes politiques et le coût élevé du capital freinent les projets d’énergie propre dans de nombreuses économies en développement. Les tendances récentes en matière d’énergies propres dans les économies avancées dressent un tableau mitigé, marqué par des accélérations dans certains domaines et des ralentissements dans d’autres, comme en témoigne la forte baisse des ventes de pompes à chaleur en Europe au premier semestre 2024. Les progrès sur les autres engagements clés de la COP28 tardent à se concrétiser : le doublement du rythme d’amélioration de l’efficacité énergétique à l’échelle mondiale, qui pourrait réduire les émissions plus que tout autre levier d’ici 2030, semble hors de portée avec les politiques publiques actuelles. Des politiques et technologies éprouvées sont également disponibles pour réduire significativement les émissions de méthane issues de l’exploitation des énergies fossiles, mais les efforts de réduction demeurent jusqu’à présent parcellaires et irréguliers.

La dynamique autour des énergies propres reste suffisamment forte pour provoquer un pic de la demande de chaque énergie fossile d’ici 2030

La demande en services énergétiques croît rapidement, portée par les économies émergentes et en développement, mais les avancées constantes des transitions indiquent que, d’ici à la fin de la décennie, l’économie mondiale pourra continuer à croître sans recourir à des quantités supplémentaires de pétrole, de gaz naturel ou de charbon. Cela n’a pas été le cas ces dernières années : malgré le déploiement record des énergies propres, les combustibles fossiles ont couvert deux tiers de la croissance de la demande énergétique mondiale en 2023, portant les émissions de CO2 liées à l’énergie à un nouveau sommet. Dans le scénario STEPS, les principales sources de croissance de la demande énergétique sont, par ordre décroissant, l’Inde, l’Asie du Sud-Est, le Moyen-Orient et l’Afrique. Cependant, la croissance des énergies propres et les transformations structurelles de l’économie mondiale, notamment en Chine, commencent à modérer la hausse globale de la demande énergétique. Un système reposant davantage sur l’électrification et riche en énergies renouvelables est intrinsèquement plus efficace qu’un système dominé par la combustion des énergies fossiles, où une grande partie de l’énergie produite est perdue sous forme de chaleur. En pratique, les résultats peuvent fluctuer d’une année à l’autre en fonction des conditions économiques, de la météo, ou de la production hydroélectrique, mais la direction prise actuellement par les politiques publiques est claire. La croissance de la demande énergétique mondiale après 2030 pourra être entièrement satisfaite par les énergies propres.

Annual energy and electricity demand growth, historical and in the Stated Policies Scenario, 2010-2035

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Le monde a le besoin et les moyens d’aller beaucoup plus vite

Les amples capacités de production d’énergies propres offrent une opportunité d’accélérer les transitions énergétiques et de s’aligner avec les objectifs de zéro émission nette, tant au niveau national que mondial. Cela nécessite cependant de corriger les déséquilibres actuels dans les chaînes d’approvisionnement des énergies propres et les flux d’investissement. Au cours des cinq dernières années, l’ajout annuel de capacité solaire a quadruplé, atteignant 425 GW, tandis que les capacités de production annuelles devraient être multipliées par six sur la base des projets en cours, dépassant les 1 100 GW. Si les capacités étaient pleinement déployées, le niveau atteint serait très proche des quantités requises dans le scénario NZE. Il en va de même des abondantes capacités de production de batteries lithium-ion. Le déploiement à grande échelle de ces technologies dans les économies en développement serait déterminant pour les perspectives mondiales, permettant de répondre à la hausse de la demande de façon durable et de faire en sorte que les émissions mondiales atteignent non seulement un pic dans les prochaines années, comme c’est le cas dans le scénario STEPS, mais aussi qu’elles commencent à diminuer de manière significative, ce qui ne se produit pas dans le scénario STEPS. Cela nécessite des efforts concertés afin de faciliter les investissements dans les économies en développement en atténuant les risques qui font monter le coût du capital. Si les périodes d’abondance de l’offre compliquent l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché, renforcer la résilience et la diversité des chaînes d’approvisionnement des technologies propres et des minerais critiques demeure une priorité. Actuellement, ces chaînes d’approvisionnement sont fortement concentrées en Chine.

Solar PV manufacturing capacity and utilisation in the Stated Policies Scenario, 2023 and 2030

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Batteries manufacturing capacity and utilisation in the Stated Policies Scenario, 2023 and 2030

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La demande en électricité croît fortement, jusqu’où ira-t-elle ?

Les contours d’un nouveau système énergétique plus électrifié se précisent à l’heure où la demande mondiale en électricité s’envole. Au cours des dix dernières années, la consommation d’électricité a augmenté à un rythme deux fois plus rapide que la demande énergétique globale, la Chine étant à l’origine des deux tiers de cette hausse mondiale de la demande d’électricité. La croissance de la demande électrique devrait continuer de s’accélérer dans les années à venir, ajoutant chaque année l’équivalent de la demande du Japon à la demande totale dans le scénario STEPS. Cette augmentation est encore plus rapide dans les scénarios atteignant les objectifs de zéro émission nette à l’échelle nationale et mondiale. Les projections de la demande mondiale d’électricité dans le scénario STEPS pour 2035 sont supérieures de 6 %, soit 2 200 térawattheures (TWh), par rapport à l’édition du WEO de l’an dernier. Cette hausse est principalement due à la consommation accrue de l’industrie légère, à la mobilité électrique, aux systèmes de climatisation, ainsi qu’à l’expansion des centres de données et de l’IA.

World electricity generation in the Stated Policies Scenario, 2010-2035

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La hausse de la consommation électrique pour les centres de données, en partie liée à l’essor de l’IA, a déjà des répercussions importantes au niveau local. Cependant, les implications potentielles de l’IA sur le système énergétique sont plus larges, pouvant par exemple permettre d’optimiser la coordination des réseaux électriques et d’accélérer les cycles d’innovation. Plus de 11 000 centres de données sont répertoriés à travers le monde, et leur forte concentration géographique peut entrainer des impacts significatifs localement sur les marchés de l’électricité. Cependant, à l’échelle mondiale, les centres de données ne représentent qu’une part relativement faible de la croissance globale de la demande d’électricité d’ici 2030. Des vagues de chaleur plus fréquentes et intenses que celles envisagées dans le scénario STEPS, ou l’application de normes de performance énergétique plus strictes pour les nouveaux appareils électroménagers, notamment les climatiseurs, entraînent dans les deux cas des variations bien plus significatives des projections de la demande d’électricité que ne le ferait un scénario plus optimiste pour les centres de données. La hausse des revenus combinée à l’élévation des températures mondiales entraine une demande additionnelle de plus de 1 200 TWh pour la climatisation d’ici 2035 dans le scénario STEPS, soit d’avantage que la consommation totale d’électricité actuelle au Moyen-Orient.

Annual electricity demand growth by region, historical and in the Stated Policies Scenario, 2010-2035

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L’essor de la mobilité électrique, en particulier en Chine, prend de court les producteurs de pétrole

Le ralentissement de la croissance de la demande de pétrole dans le scénario STEPS pose des difficultés aux principaux détenteurs de ressources, qui se retrouvent face à une offre excédentaire. La Chine a été le moteur de la croissance du marché pétrolier ces dernières décennies, mais ce moteur passe maintenant à l’électrique : la consommation de pétrole du pays pour le transport routier diminue dans le scénario STEPS, bien que cette baisse soit compensée par une forte augmentation de l’utilisation du pétrole comme matière première pétrochimique. L’Inde devient la principale source de croissance de la demande de pétrole, avec l’ajout de près de 2 millions de barils par jour (mb/j) à l’horizon 2035. Les véhicules électriques au coût compétitif, dont beaucoup proviennent de fabricants chinois, font une percée dans une série de marchés, bien que des incertitudes subsistent quant à la vitesse de progression de leur part de marché. Actuellement, les véhicules électriques représentent environ 20 % des ventes mondiales de voitures neuves. Leur part augmente pour atteindre 50 % d'ici 2030 dans le scénario STEPS, un seuil déjà atteint en Chine cette année. À cette date, dans ce scénario, les véhicules électriques diminuent la demande de pétrole d’environ 6 millions de barils par jour. Si la part de marché des voitures électriques devait augmenter plus lentement, restant inférieure à 40 % d’ici la fin de la décennie, cela ajouterait 1.2 mb/j à la demande de pétrole en 2030. Malgré cela, la trajectoire mondiale de la demande de pétrole montrerait toujours des signes de stabilisation. À court terme, l’augmentation de l’offre de pétrole en provenance des Amériques (États-Unis, Brésil, Guyana et Canada) exerce une pression sur les stratégies de gestion du marché du groupe OPEC+. Le scénario STEPS projette des prix avoisinant 75-80 USD le baril, mais cela suppose des restrictions supplémentaires de la production et une augmentation des capacités de réserve, qui atteignent déjà des niveaux sans précédent autour de 6 mb/j.

China's oil demand, 2023 and 2035

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China's coal demand, 2023 and 2035

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À qui profitera la nouvelle vague de GNL ?

Une augmentation de près de 50 % de la capacité mondiale d’exportation de GNL se profile à l’horizon, portée par les États-Unis et le Qatar. Cependant, les niveaux de prix nécessaires à de nombreux fournisseurs pour garantir la rentabilité de leurs investissements risquent de dissuader les économies en développement d’adopter massivement le gaz naturel, rendant inévitables certains compromis. Environ 270 milliards de mètres cubes (mmc) de nouvelles capacités annualisées de production de GNL ont été approuvées et, si ces projets se concrétisent dans les délais annoncés, leur exploitation devrait débuter d’ici à 2030, représentant un ajout considérable à l’offre mondiale. Dans le scénario STEPS, la demande de GNL croît de plus de 2.5 % par an d’ici à 2035, une révision à la hausse par rapport aux projections de l’an dernier et plus rapide que l’augmentation de la demande totale de gaz. L’Europe et la Chine disposent d’infrastructures d’importation capables d’absorber des volumes de gaz bien plus importants, mais leur capacité à rééquilibrer le marché est limitée par des investissements croissants dans les énergies propres. Dans les économies émergentes et en développement importatrices de gaz, celui-ci devient une option compétitive à grande échelle, c’est-à-dire capable de rivaliser avec les énergies renouvelables et le charbon, à des prix autour de 3 à 5 USD par million d’unités thermiques britanniques (BTU). Cependant, les coûts de livraison pour la majorité des nouveaux projets d’exportation devraient avoisiner en moyenne 8 USD par million de BTU pour couvrir les investissements et les coûts d’exploitation. Pour que les marchés gaziers puissent absorber l’intégralité de la nouvelle offre attendue de GNL et poursuivre leur croissance au-delà de 2030, il faudrait à la fois des prix d’équilibre plus bas, une demande d’électricité plus élevée, et des transitions énergétiques plus lentes que celles envisagées dans le scenario STEPS. Cela impliquerait une croissance moindre des capacités éoliennes et solaires, des améliorations plus modestes de l'efficacité énergétique des bâtiments et un déploiement réduit des pompes à chaleur. Cependant, toute accélération des transitions énergétiques mondiales vers les trajectoires des scénarios APS ou NZE, ou un évènement disruptif tel qu’un nouvel accord d’approvisionnement en gaz entre la Russie et la Chine (élément non inclus dans le scénario STEPS), exacerberaient la surabondance de GNL.

LNG capacity and trade, 2015-2035

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Change in LNG demand by region, 2015-2023

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Change in LNG demand by region, 2023-2035

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La baisse des prix des combustibles apaise les inquiétudes concernant leur accessibilité économique et la compétitivité industrielle dans les économies importatrices

Le nouveau contexte des marchés de l‘énergie pourrait apporter un peu de répit aux pays et régions importateurs de combustibles, notamment l’Europe et l’Asie du Sud et du Sud-Est, des territoires fortement impactés par la hausse des prix des combustibles fossiles et de l’électricité ces dernières années. Les consommateurs à travers le monde ont dépensé près de 10 000 milliards USD pour l’énergie en 2022 pendant la crise énergétique mondiale, dont environ la moitié s’est traduite par des revenus records pour les producteurs de pétrole et de gaz. La baisse des prix annonce un répit bienvenu, notamment pour les pays importateurs de combustibles. La baisse des prix du gaz naturel devrait alléger en partie les inquiétudes de l’Europe concernant sa compétitivité industrielle, bien que celle-ci continue de subir un important désavantage structurel en matière de coûts énergétiques par rapport aux États-Unis et à la Chine. L’atténuation des pressions liées aux coûts de l’énergie pourrait offrir aux décideurs politiques une opportunité de : renforcer les investissements dans les énergies renouvelables, les réseaux, les infrastructures de stockage et l’efficacité énergétique ; mettre fin aux subventions aux énergies fossiles inefficaces ; et relancer la dynamique perdue ces dernières années dans les économies en développement pour garantir à leur population l’accès à l’électricité et à des combustibles non polluants et sûrs pour cuisiner. Cependant, une baisse du prix du gaz naturel risque également de freiner les transformations structurelles à l’œuvre, en réduisant l’incitation économique des consommateurs à adopter des technologies plus propres et en rendant l’écart de coûts avec des carburants alternatifs comme le biométhane et l’hydrogène bas-carbone plus difficile à combler.

Un système énergétique durable doit être résilient et centré sur les besoins des utilisateurs

Un nouveau système énergétique doit être construit pour durer : cela implique de donner la priorité à la sécurité, à la résilience et à la flexibilité, tout en garantissant que les bénéfices de la nouvelle économie de l’énergie sont justement partagés. Dans le scénario STEPS, les préoccupations traditionnelles liées aux enjeux de sécurité énergétique ne diminuent pas, en particulier pour les pays importateurs d’Asie, qui voient leur dépendance aux importations de pétrole et du gaz s’accentuer sur le long terme, atteignant près de 90 % pour le pétrole et environ 60 % pour le gaz d’ici 2050. Cependant, une transition énergétique plus rapide soulève également de nouvelles préoccupations quant à la sécurité de l’approvisionnement en électricité. En effet, l'augmentation de la demande et la variabilité accrue de la production amplifient le besoin de flexibilité opérationnelle des systèmes électriques, tant pour répondre aux besoins à court terme que pour gérer les fluctuations saisonnières. Cela requiert en outre un rééquilibrage des investissements dans le secteur de l’électricité en faveur des réseaux et du stockage par batteries, tel que proposé par l’AIE en vue de la conférence sur le climat (COP291) de Bakou en Azerbaïdjan. À l’heure actuelle, pour chaque dollar investi dans des moyens de production d’électricité renouvelable, 60 cents sont investis dans les réseaux et le stockage. Dans les années 2040, la parité est atteinte dans tous les scénarios. De nombreux systèmes électriques sont vulnérables à une intensification des phénomènes météorologiques extrêmes et des cyberattaques, faisant des investissements adéquats dans la résilience et la sécurité numérique une priorité.

Transmission and distribution lines added in the Net Zero Emissions by 2050 Scenario, 2024-2035

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Installed storage capacity in the Net Zero Emissions by 2050 Scenario, 2030 and 2035

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Des divergences émergent sur les enjeux de l’énergie et du climat qui ne pourront être atténuées qu’en augmentant l’aide aux pays, communautés et ménages les plus pauvres pour les aider à surmonter les coûts initiaux de la transition. Cela requiert un renforcement substantiel du soutien international. Les coûts de financement élevés et les risques associés aux projets freinent la diffusion des technologies propres, pourtant accessibles à des coûts compétitifs, là où elles sont le plus nécessaires, en particulier dans les économies en développement où elles pourraient apporter des bénéfices significatifs en matière de développement durable et de réduction des coûts pour les consommateurs. Le manque d’accès aux formes modernes d’énergie est l’inégalité la plus fondamentale du système énergétique actuel, avec 750 millions de personnes, majoritairement en Afrique subsaharienne n’ayant pas encore accès à l’électricité et plus de 2 milliards de personnes ne disposant pas de combustibles non polluants et sûrs pour cuisiner. Les perspectives des projets visant à étendre l’accès à l’énergie s’améliorent grâce à des technologies moins coûteuses, à l’introduction de nouvelles politiques, à la disponibilité croissante des options de paiement numérique et des modèles économiques de paiement à l’usage. Cependant des actions supplémentaires sont nécessaires, en particulier pour favoriser l’électrification des activités productives, un levier qui pourrait renforcer la rentabilité des projets et améliorer leur attractivité pour le financement. Les discussions autour du financement climatique lors de la COP29 et du G20 seront un baromètre des perspectives d’augmentation des investissements dans les énergies propres au sein des économies en développement. Cela exigera également un renforcement des visions politiques nationales, des politiques publiques et des institutions, ainsi qu’une volonté de coopérer avec le secteur privé.

Choix et conséquences

Malgré l’accélération des transitions, le monde est encore loin de suivre une trajectoire conforme à ses objectifs climatiques. Trop souvent, les décisions des gouvernements, des investisseurs et des consommateurs accentuent les failles du système énergétique actuel au lieu de le réorienter vers une voie plus propre et plus sûre. Certaines avancées positives sont certes à noter dans le scénario STEPS, mais les politiques publiques en vigueur orientent toujours le monde vers une augmentation de 2.4 °C des températures moyennes mondiales d’ici 2100, entraînant des risques liés au changement climatique toujours plus graves. Nos analyses par scénarios mettent en évidence une période durant laquelle les acheteurs et les consommateurs ont l’avantage sur les marchés de l’énergie, les fournisseurs rivalisant pour attirer leur attention au moment où ils s’apprêtent à choisir entre des formes d’énergies et des technologies pouvant avoir des répercussions très différentes pour le secteur de l’énergie et ses émissions. Tous les acteurs doivent prendre conscience que persister à utiliser des énergies fossiles a des conséquences. Les prix de l’énergie baisseront peut-être pendant un moment, mais l’histoire de l’énergie nous montre qu’un jour le cycle s’inversera et que les prix augmenteront de nouveau. Parallèlement, les coûts de l’inaction climatique augmentent de jour en jour, à mesure que les émissions s’accumulent dans l’atmosphère et que les conditions météorologiques extrêmes imposent leur propre coût imprévisible. En revanche, les technologies propres qui sont de plus en plus rentables de nos jours, devraient le rester, et offrent une exposition considérablement réduite aux aléas des marchés des produits de base ainsi que des bénéfices durables pour les populations et la planète.

Global energy-related CO2 emissions in the Stated Policies and Net Zero Emissions by 2050 Scenarios, 2015-2035

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